Chantiers, réseaux routiers et chemins de fer
​​​​​​​Sergio Birga, Caroline Bouyer, Frédéric Chaume, Anne Charagnac, Corinne Lepeytre
Linoléum, xylogravure, aquatinte et carborundum
De la déconstruction à la (re)construction, la ville est un paysage en transformation
Partant d’une friche ou du cratère d’une démolition, jusqu’au sommet d’une grue, l’urbanisme attrape le regard des artistes par ses lignes verticales, horizontales, diagonales ou courbes.
Chaque artiste a une approche singulière de ce paysage, à distance ou en plongée directe sur le terrain : approche figurative critique ou regard sur les formes, appropriation du territoire, effets de mouvement et de vitesse, géométrie variable de la ville, décomposition d’un site, déformation de l’image… le figuratif peut aussi, à tout moment, basculer dans l’abstraction.
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Sergio Birga
Figuration narrative et critique :
 trait expressionniste et regard idéologique sur la destruction et de la reconstruction.

Peintre et graveur né à Florence, membre de l'association des Peintres Italiens de Paris, Sergio Birga reste le plus parisien des florentins. Diplômé de la Scuola d’arte de Florence, il étudie la gravure en 1965 aux Beaux-Arts de Paris, où il s’installe définitivement avec la complice de sa vie, Annie. 
Dans le mouvement de la figuration narrative, engagé dans un style expressionniste allemand, fortement marqué par ses rencontres avec Otto Dix et Conrad Felixmüller entre autres,
sa peinture, aux couleurs puissantes, est très vive. De la même façon, sa gravure montre un trait ferme et véhément. Pour cela, il privilégie le bois (ou le linoleum) pour sa force et son expressivité. On comprend alors la force avec laquelle il grave la Destruction des Halles de Paris en 1973 et 1976. Sur linoléum, il témoigne de la destruction du patrimoine des Pavillons Baltard. Le trait puissant porte un regard qui n’est pas neutre et l’on remarque que l’humain est particulièrement présent dans ces paysages : ouvrier au travail ou promoteur fumant un cigare… Plus tard, en 2021, Birga travaille sur bois le Chantier de la Canopée des Halles avec la même intensité.
S’il a gravé des paysages bretons, le paysage urbain est omniprésent dans l’ensemble de son œuvre, en témoignent les vues de son atelier. Portraits ou scènes de vie ont souvent en trame de fond des constructions (avec quelquefois une grue ou une pelleteuse…) comme les vues de Berlin et Dresde ou Maison malade, Canal Saint-Denis… Très naturellement, la littérature Kafkaïenne parcourt son œuvre entier et partage la même critique sociale. « Amerika » qui paraît dans L’Album Kafka (Paris, Gallimard, 2022) en est l’illustration.
Si les thèmes de la destruction et de la reconstruction par l’homme sont récurrents, ils sont aussi particulièrement liés à la menace écologique et à la notion de TEMPS. Une obsession qui occupe son travail et qu’il traduit avec la même force dans une série qu’il peint et grave régulièrement : Chronos. Une xylogravure de 2020 montre une figure verte géante de Chronos, du temps donc, entre usines fumantes et arbre mort, écrasant de toute sa masse des villes et des hommes engloutis sous terre dans une teinte rouge. Le temps étant finalement l’un des acteurs principaux de la destruction.
Sergio Birga est présenté depuis de nombreuses années à la Galerie Saphir à Paris.
Sergio Birga, Estampes. Catalogue raisonné établi selon les indications de Birga avant sa mort, préfacé par Maxime Préaud, conservateur général honoraire au département des estampes de la Bibliothèque nationale de France. Paris, juin 2024.
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 Caroline Bouyer
Aborder le thème de la mémoire et de l’appropriation d’un territoire 
par les chantiers, la construction, les friches industrielles : 
autant de lieux de passage, couloirs de transition, entre-deux lieux, « demi-lieux », non-lieux…  

Caroline Bouyer, Déchetterie d'Ivry (avec l'aimable autorisation de l'artiste.)

 Pendant près de quinze ans, les territoires urbains ont été au cœur des explorations artistiques de Caroline Bouyer : quartiers en mutation et lieux symboliques témoins de nos modes de vie. Cette démarche a été amorcée par un premier travail effectué dans la Zac Rive Gauche du XIIIe arrondissement de Paris. Sillonnant plus largement Paris et sa banlieue, en particulier la Seine Saint-Denis, Caroline Bouyer élargit le champ jusqu’à la zone industrialo-portuaire de Dunkerque.
En 2014, son attention se porte sur le périphérique parisien, motivée par l’envie d’investir cette métaphore du passage, objet sociologique, frontière poreuse entre deux mondes, en tentant d’y porter un regard intime et singulier.  Les chantiers de construction, les friches industrielles, lieux de passages, couloirs de transition, entre-deux lieux, « demi-lieux », non-lieux, ont été un prétexte pour aborder, par le biais de la gravure, le thème de la mémoire et de l’appropriation d’un territoire.
Au fil de ses explorations, Caroline Bouyer collecte des séries de dessins qu’elle reprend dans son atelier et qu’elle retravaille à l’aquatinte ou au carborundum. 
Opérant une sorte de transhumance du milieu urbain vers le milieu naturel, elle investit ensuite ces sources d’inspiration en recomposant des paysages imaginaires dans lesquels fourmillent des multitudes de détails et de signes qui nous amènent à nous perdre. Elle s’éloigne maintenant d’une représentation formelle pour développer une écriture plus poétique et onirique et qui assouvit un besoin profond de retraite et de ralentissement, une aspiration de déconnexion et de retour aux sources.
C’est le travail exploratoire et expérimental d’un va et vient constant entre le dessin et la gravure qui donne lieu à des séries de pièces uniques où les deux médiums s’entremêlent.
Caroline Bouyer s’est emparé de la gravure à l’École Estienne, qu’elle n’a jamais quittée. Aujourd’hui professeure référente du DNmade Gravure, Images-Imprimées, à l’École Estienne, elle est aussi formatrice en gravure au G.R.E.T.A. Création Design et Métiers d'Art et intervenante pour Institut national du Patrimoine.
Elle est lauréate de nombreux prix : 1er prix “ Prix Espace Beaurepaire” 2020 ; 1er prix ADAGP section gravure, salon d’Automne Paris, 2015 ; 1er prix Lacourière, Bibliothèque Nationale de France, 2012 ; 1e mention, prix Lacourière, Bibliothèque Nationale de France, 2010 ;1er prix de la Biennale de Saint Maur, Saint Maur, 2009 ; 2e prix Estamp’ art 77, France, 2006, ; 1er prix Grav’x et Fondation de France, Galerie Michèle Broutta, Paris, 2005; 3e prix du Salon d’Automne, section livre d’artiste, Paris, 2003 ; Prix Guy Levis-Mano pour le livre d’artiste La fourmi électronique de P. K. Dick, 1993).
Son travail est entré dans de nombreuses collections : Musée Carnavalet, Paris ; Musée du dessin et de l’estampe originale, Gravelines; Bibliothèque nationale de France, Paris ; Artothèque les Dominicaines, Pont L’Evêque, Centre d’art de Châtellerault, «  La réserve  » Vannes, Artothèques Air France, Orly et de Villiers-Le-Bel.
Elle expose son travail auprès de la Galerie Nomade de Nathalie Béreau depuis plusieurs années.
Livres d’artiste : Le Bestiaire Nahuat, livre d’artistes, le Collectif, Chicago, 2006. Boite de sardines, C. Bouyer, à compte d’auteur,1999. Petit cirque de Babel, C. Bouyer, à compte d’auteur, 1998. «Plumes d’ange», texte de Claude Nougaro, Éditions Achimbaud, Paris, 1996. La Fourmi électronique, Philip K. Dick, éditons Estienne, Paris, 1993.
Monographie : Extra-muros, Paul Ripoche, Caroline Bouyer, Musée du dessin et de l’estampe originale, Gravelines, 2013. 
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Anne Charagnac
L’attrait du minéral, l’ambiguïté poétique des paysages construits et organisés : 
savoir regarder la lumière sculpter et réinventer la géométrie fonctionnelle de la ville.

Anne Charagnac, Périph II, Porte de Vincennes, 2023.

Le regard de Anne Charagnac se forme depuis 1979, d’abord au modèle vivant puis à la peinture et à la gravure dans différents ateliers de l’ouest parisien.
Une sensibilité particulière aux esthétiques du minéral et de l’architecture a conduit le cheminement artistique de Anne Charagnac à explorer des lieux contemporains à travers dessins, peintures, gravures, monotypes ou créations composites.
Son regard de peintre est particulièrement attiré par les espaces urbains, industriels ou portuaires, où la lumière sculpte et réinvente des géométries fonctionnelles. Elle s’attache alors à révéler l’ambiguïté poétique de ces paysages construits et organisés à destination utilitaire, en les transfigurant en fragments oniriques. 
Depuis quelques années l’estampe et la gravure occupent une place centrale dans cette recherche, poursuivant une figuration d’univers réels ou imaginaires empreints d’une poésie graphique.
Ses lieux d'inspiration sont évidemment Dunkerque, Rouen, Le Havre, Orly, Issy-les-Moulineaux, le périphérique parisien… Une poésie inattendue qu’elle traduit à l’aquatinte sur cuivre, mais aussi et surtout, son médium de prédilection, au carborundum qui dépose une matière presque bitumeuse.
Elle expose son travail depuis les années 1990 dans différents salons régionaux et obtient plusieurs prix.  Elle est présente à Paris aux Journées de l’Estampe, Foire Saint-Sulpice (2024). Elle a également exposé dans les galeries Jamot, Visconti et de La Tour, entre Paris et Versailles.
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Frédéric Chaume
La représentation des territoires et des paysages vivants au cœur du chantier.

Frédéric Chaume, Horizons (avec l'aimable autorisation de l'artiste.)

En questionnant un rapport physique au territoire, Frédéric Chaume met en place en 2014 un projet spécifique au cœur des chantiers, c’est-à-dire littéralement en immersion dans le chantier. Ce projet, né à Berlin, s’enrichit en France avec la construction d’architectures emblématiques, telles la Philharmonie ou le Tribunal de Paris, Le Monde ou le Bassin d’Austerlitz.
Commandes et expositions donnent lieu en 2019 à sa participation à la table ronde "Représentations du chantier" à la Cité de l’Architecture. En 2021, l’artiste est lauréat du Prix Jane Pêcheur de la Fondation Taylor et obtient une nomination au Prix Mario Avati Académie des Beaux-Arts. 
En 2023, la création d’un bassin de stockage devant la Chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière donne naissance au projet "Fluctuat ad capella, Bassin d’Austerlitz".
Frédéric Chaume couvre les chantiers en remplissant ses carnets de dessins. Il en réalise ensuite des gravures sur cuivre (eaux-fortes et aquatintes) qu’il travaille à l’atelier Bo Halbirk à Montreuil et imprime aux ateliers Moret à Paris.
En 2024, un carnet et une série de dessins et gravures couvrant plusieurs chantiers parisiens sont entrés dans les collections du Musée Carnavalet-Histoire de Paris.
Frédéric Chaume enseigne également le dessin et l’art des techniques de représentation à l’Ecole Nationale Supérieure d’architecture Paris-Malaquais. 
Publication, à paraître : 
Le Monde,HQ Sketchbooks. A book of drawings from Le Monde Headquarters building site, November 2017 – June 2020, Paris Austerlitz. Drawings Frédéric Chaume. Poèmes Lamiya Shirvanzada. Textes Jean-Louis Cohen, Kjetil Traedal Thorsen, Kristin Feireiss. Oslo: éditions Snøhetta books, 2025.
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Corinne Lepeytre
Archéologie urbaine : transcrire la mémoire de la ville, 
ses lignes par l’acide sur le zinc et sa lumière à l’encre noire. 

Corinne Lepeytre, Gare d'Austerlitz, quadriptyque, 2025.

La démarche artistique de Corinne Lepeytre traverse la ville dans l’instant présent, sous forme « d’archéologie urbaine » : son regard cherche ce que racontent aujourd’hui le tracé des plans, les murs, les fissures… À la recherche d’une histoire cachée dans les strates de la ville, d’une mémoire urbaine qui se mêle à sa propre mémoire, le paysage urbain apparaît comme un terrain de fouille. 
Travailler le zinc c’est correspondre avec ces toits qui confèrent une lumière et une couleur si singulières à Paris, lumière et couleur que l’on retrouve dans toute son œuvre. Dans son trait, elle ne cache pas l’influence d’un Jacques Tardi dont la Géographie parisienne lui est si familière. L’aquatinte en est son révélateur : la sensibilité de son grain est l’interprète idéal de la fragilité de la ville, de son oscillation perpétuelle. Dans l’acide, à l’abri de son regard, le zinc prend parfois une liberté et livre ses accidents. Étonnement bienvenu qu’elle aime retrouver en sillonnant Paris.
Après avoir suivi pendant plusieurs années l’atelier de Francis Capdeboscq (Paris Ateliers), qui lui a transmis les techniques de l’eau-forte, Corinne Lepeytre s’est peu à peu approprié l’aquatinte, qui devient sa pratique majeure, essentiellement sur zinc. Ses recherches se focalisent sur l’espace urbain, avec Paris au premier plan : du zinc des toits de Paris au zinc des matrices, il n’y a qu’un pas. Elle travaille par séries : les bouquinistes, les passages parisiens, fenêtres, toits et plus récemment la reconstruction de Notre-Dame ou le réseau ferré. 
Ses épreuves sont monochromes, à l’encre noire sur papier chiffon et à bords perdus afin de couvrir la feuille jusqu’à sa frange.
Elle participe à de nombreuses manifestations collectives de l’estampe et en assure parfois l’organisation (Journées de l’Estampe contemporaine, Foire Saint-Sulpice à Paris).
Elle a exposé à la boutique-atelier Les Toits Parisiens, rue Saint-Paul (2023), à la Mairie du 9e en compagnie de la dessinatrice Christelle Téa (2024), elle participe régulièrement aux expositions de la Galerie Saint-Michel et de la maison Charbonnel.
Corinne Lepeytre est représentée par les galeries parisiennes Christian Collin, Martinez Fleurot et Saint-Michel.
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