le Monde renversé
Scènes de la vie des hommes et autres animaux
23 septembre - 15 novembre 2025
Prolongation jusqu'au 6 décembre 2025
En association avec
la Librairie & Galerie Saint-Michel présente
un ensemble exceptionnel d'œuvres originales
de J.J. Grandville
Scènes populaires, satires sociales et politiques, fables et bien sûr «scènes de la vie privée et publique des animaux» déploient l’univers de cet artiste au crayon aiguisé et au regard incisif sur la société du XIXe siècle, société qui ressemble étrangement à la nôtre.
Maître de la caricature, du dessin de presse et de “l’illustration”, précurseur du surréalisme, du dessin «animé» voire du «morphing», Grandville révèle la nature humaine et le jeu social par le miroir déformant de son imaginaire extravagant.
Mort prématurément, ce dessinateur de génie aura croqué toute sa courte vie. Sur les pas de son père miniaturiste, Grandville observe assidûment et tire des portraits depuis son plus jeune âge : famille et scènes pittoresques de Nancy sont le premier terrain. Il suit le miniaturiste Mansion à Paris, fréquente l’atelier de Hippolyte Lecomte ainsi que l’Opéra-Comique, dont son cousin est régisseur. Vif et rapide, les scènes et les détails de la société l’intéressent plus et le portrait ne lui suffit pas. Du portrait à la caricature, il n’y a qu’un trait. Regard acéré et crayon aiguisé, l’œil et la main capturent toutes les situations. La charge, le discernement critique et l’imagination débordante donnent vie à un univers singulier, drôle, poétique et parfois incisif.
Une naissance sous le signe du deuil a induit sans doute une obsession de la mort et un certain esprit de dérision sur les modes de vie. L’époque romantique l’encourage peut-être à renverser les codes et la technique de la lithographie en plein essor accompagne le mouvement. Soulignons les influences de la caricature britannique de James Gillray, Thomas Rowlandson et George Cruikshank qui, avec beaucoup d’humour, croquent l’humain en société dans tout son grotesque. L’anthropomorphisme et le rapprochement animal sont autant de traits communs. Dans cette veine, Les Dimanches d’un bourgeois de Paris ou les tribulations de la petite propriété (1826) et Les Métamorphoses du Jour (1829) ou les planches d’un Voyage pour l’éternité (1830) en témoignent déjà.
La Caricature politique
Les portes de l’édition et de la presse sont ouvertes. Portée par les nouvelles presses mécaniques et la lithographie, la presse satirique illustrée s’emballe. Dès 1829 et les débuts de La Silhouette, Grandville est immanquablement de l’aventure éditoriale, comme Balzac qui décrira à la perfection les arcanes de la presse dans Illusions perdues (1837). Le crayon tendance républicaine et la plume aux velléités aristocratiques deviennent complices. La liberté de la presse reste néanmoins menacée par la censure et le régime d’autorisation préalable pour les périodiques, jusqu’au départ de Charles X et l’arrivée de Louis-Philippe, qui incarnera une haute-bourgeoisie qui se prête bien à la caricature. Grandville devient l’une des figures importantes de la caricature politique par son audace et son langage qu’il mettra naturellement au service du nouvel hebdomadaire, La Caricature, créé par son confrère et ami Charles Philipon : ce « cher Pon-Pon, Duc de la Lithographie, Marquis du Dessin, Comte de Bois gravé, Baron de Charge, Chevalier de Caricature», décrit ainsi par Balzac, qui signe encore à côté de Grandville dans les mêmes colonnes.
Le Pouvoir use les hommes et vice versa, s.d.
Encre brune, titré en bas et cachet sec JJG de la vente de l’atelier Grandville, 1853. La Caricature n° 92, 9 août 1832, pl. 187 . Charles Philipon commente dans son exemplaire:
Encre brune, titré en bas et cachet sec JJG de la vente de l’atelier Grandville, 1853. La Caricature n° 92, 9 août 1832, pl. 187 . Charles Philipon commente dans son exemplaire:
“L’arrêt de la Cour de Cassation avait porté un coup si rude au ministère qu’il s’agit d’en former un nouveau, mais à cette époque, déjà, l’on put voir combien il est difficile de changer de ministre quand un même système veut tous et toujours les dominier - les annuler.
Cette planche fut saisie, ce qui porta nos procès au nombre de 22 et nous [sugéra] l’idée de la planche 191».
L’aventure de La Caricature prend un autre tournant en 1835 et la nouvelle censure freine l’élan drolatique. Grandville sait bien sûr trouver les images et les pirouettes pour contourner la censure, mais le monde de l’édition se tourne vers lui pour accompagner, orner et illustrer des œuvres racontées, à commencer par l’éditeur Fournier qui lui demande de travailler sur les Fables de La Fontaine (1837-38). Le procédé de gravure sur bois de bout permet de mêler les illustrations aux caractères typographiques et d’obtenir des vignettes directement dans le corps du texte, en plus des planches hors-texte.
Oeuvres illustrées
Grandville illustre notamment Le Voyage de Gulliver de Swift (1838), Les Aventures de Robinson Crusoe de Defoe (1840), Les Français peints par eux-mêmes (1840 avec, entre autres plumes, celles de Balzac, Charles Nodier et Jules Janin), les Fables de Lavalette (1841 à l’eau-forte), les Fables de Florian en 1842 et la même année Scènes de la vie privée et publique des animaux, ouvrage rassemblant aussi plusieurs plumes dont Balzac et George Sand sous la direction de Stahl, les Petites misères de la vie humaine avec Old Nick en 1843, Les Caractères de La Bruyère ou encore le Jérôme Paturot à la recherche d’une position sociale en 1846.
Son imagination déborde. Ces ouvrages nourrissent aussi son propre univers qu’il déploie au fil de publications comme Un autre Monde (1844), Cent Proverbes (1845), Les Fleurs animées en 1847 et d’autres encore qui paraîtront après sa mort.
Grandville atteint un niveau d’écriture poétique à travers ses dessins, ses mots étant des images, mêlant parfaitement lucidité et fantaisie, au prisme de son imaginaire animal, végétal et extra-ordinaire. Avec génie, il révèle la nature humaine la plus profonde à travers le miroir déformant de son œil. Il nous renverse et nous emmène directement de l’autre côté de la page, dans un autre temps, un autre monde, un monde renversé.
Issues d’une collection particulière constituée sur une vingtaine d’années, les œuvres originales rassemblées dans l’exposition et le catalogue, reflètent ainsi les scènes pittoresques, la caricature politique et bon nombre d’œuvres illustrées.
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Catalogue
Librairie & Galerie St Michel
Benjamin Spademan Rare Books
116 p. 15€
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Images :
Autoportrait, ca. 1846
Encre brune sur traits à la mine de plomb
Encre brune sur traits à la mine de plomb
Charles Philipon et le tambour du Charivari, s.d.
Encre brune sur traits à la mine de plomb
Encre brune sur traits à la mine de plomb
Voilà ce qui vient de paraître! Les superbes Scènes de la vie privée et publique des animaux, en faveur de la nation animale ! Les animauxx peints par eux-mêmes et dessinés par un autre. Ca ne coûte que six sous. 1841
Encre brune sur traits à la mine de plomb
Dessin original pour une planche hors texte du prologue
Encre brune sur traits à la mine de plomb
Dessin original pour une planche hors texte du prologue
Un lion de Paris, 1841. Dessin préparatoire pour une planche hors-texte, «Voyage d’un lion d’Afrique»,
in STAHL P.-J. (sous la direction), Scènes de la Vie privée et publique des animaux, Etudes de moeurs contemporaines, vignettes PAR Grandville, avec la collaboration de MM Balzac, L.Baude, E. de la Bédollière, P. Bernard, J. Janin, Ed. Lemoine, Charles Nodier, George Sand, etc., Paris, Hetzel & Paulin Editeurs, 1842.
Collection particulière ©AD/ART.
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A voir
DOCUMENTAIRE
Grandville ou l’art de singer le monde, documentaire écrit par Michèle Leinen, réalisé par Fabrice Chaboissier, 2025. France Télévision, Infini Productions, La Clairière Production, France 3 Grand Est.
A partir du 12 septembre 2025 sur france.tv .
A partir du 12 septembre 2025 sur france.tv .
EXPOSITION
Musée des Beaux-arts de Nancy
Grandville ou l’art de singer le monde. À l’occasion de la sortie du film documentaire consacré à Grandville, le musée des Beaux-Arts présente un florilège de ses créations, en retraçant son parcours, de ses débuts nancéiens jusqu’à ses ultimes dessins, parfois presque fantastiques.
Musée des Beaux-Arts de Nancy, 3 place Stanislas, 54000 Nancy, jusqu’au 27 octobre 2025.
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